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MARIE-DIDACE

indolents, elle se dirigea vers le haut de la terre, ses pieds comme d’eux-mêmes, sans qu’elle s’y appliquât, évitant de fouler le foin encore debout.


* * *


La première fois que Phonsine, en rêve, était tombée dans le puits, c’était le surlendemain de la mort d’Amable. D’abord, elle rêvait qu’en cherchant à l’ôter à l’Acayenne, sa tasse lui échappait des mains. Comme elle se penchait au-dessus du puits pour essayer de la reprendre, elle s’apercevait que ce n’était plus sa tasse, mais sa petite fille qui tombait. Elle-même, happée par le vide, tournoyait dans l’abîme sans fond, en poussant un cri qui lui écorchait la gorge. Elle s’était éveillée trempée de sueurs, la gorge à vif, et en palpitations comme si son cœur voulait bondir hors de la poitrine. Sûrement, on allait accourir à elle, lui porter secours, ou tout au moins la questionner. Encore pantelante, elle attendit. Mais non. Dans la pièce voisine, on veillait au corps. Une femme, d’une voix morne, spectrale, récitait l’oraison pour Amable :

— Délivrez, Seigneur, l’âme de votre serviteur, comme vous avez délivré…