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MARIE-DIDACE

Tu goudronnes : tu prépares ton canot pour chasser avant le temps ? Je te rejoindrai bien à la coulée des petits chenaux.

Je goudronne : essaye de me faire payer l’amende si tu peux ! Je placerai mon affût assez creux dans les joncs, que tu passeras à côté, sans même t’en douter.

— As-tu su la nouvelle ? demanda Pierre-Côme, appuyé au saule.

— … La nouvelle ? demanda à son tour Didace.

— Le lard a encore monté. Il se vend .27. Tout monte sans bon sens, le beurre de table .47, les œufs. Tout.

— Ouais ?

— C’est écrit sur la gazette. Va ben falloir s’y mettre à notre tour ?

— Ouais… répéta Didace en réfléchissant.

La guerre, une curieuse d’invention. Des hommes se battent, souffrent, perdent leurs biens. Ils meurent même sur le champ de bataille ; pendant ce temps-là leurs frères, au loin, mangent plein leur ventre et s’enrichissent. Oui, mais ceux du Chenal ont lutté, eux aussi. Dans les premiers temps de la colonie, par exemple, quand les Iroquois allaient tremper leurs armes au ruisseau Jean et que les anciens ne pouvaient pas s’éloigner de la maison, au risque de se faire scalper, autrement qu’armés