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MARIE-DIDACE

longeant la cloison et se sauva au dehors. Maigre, la peau collée aux reins, le chien, disparu du Chenal du Moine en même temps que le Survenant, avait dû courir longtemps avant de retrouver son chemin.

Comme si les aîtres de la maison lui fussent familiers, l’Acayenne se dirigea à l’armoire. Déjà l’ordre en était changé : les assiettes empilées avec les soucoupes à un bout, à l’autre bout les tasses, laissant un bon espace au milieu. Rien ne traînait dans la cuisine.

Encore assommée par le choc, Phonsine ne ressentait aucun mal. Les bras inertes, elle s’effondra sur la première chaise près du buffet. Ses bras pendaient : deux rames abandonnées aux flancs d’une barque, à la dérive. Leur poids mort faillit l’entraîner à la renverse. Elle se réveilla. Alors, elle mesura l’étendue de son malheur : elle avait perdu sa place. Le père Didace était remarié avec l’Acayenne qui riait pour un rien, allait, venait, déjà reine et maîtresse dans la maison.

Si seulement elle consentait à se taire, pensa Phonsine. Mais de nouveau, l’Acayenne expliquait :

— J’ai débourbé de mon mieux. J’ai balayé le pont en attendant de l’écurer à fond.

Sous le blâme à peine voilé, Phonsine rougit. La veille au soir, elle avait négligé de ranger dans la cuisine. À quelle heure la belle-mère était-elle donc