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MARIE-DIDACE

— As-tu besoin de quelque chose, Phonsine ?

Mais la malade ne remuait déjà plus. Elle semblait dormir. La petite dormait aussi. Ce petit paquet de chair, une fille, dire que c’était peut-être tout ce qui subsisterait d’Amable. Et pas longtemps, un jour ou deux. Les mains sur les yeux, blessé dans sa chair et blessé dans son orgueil, il eut la vision d’Amable étendu sur le quai, la tête fracassée, dans une mare de sang. Et ici, à la maison, son enfant, cette figure grotesque, perdue dans un bonnet, ce corps maigrelet enroulé dans de l’ouate. Le dernier rejeton : un cœur bleu. Si ce n’était pas pénible.

Dieu donne les coups où ils portent. Rien ne sert de se rebeller. C’est aller contre le vent, l’abbé Lebrun l’a dit. Mais les coups portent…

La lumière de la lampe baissait. Elle ne reflétait plus qu’un demi-rond jaune, étroit. Courbaturé, les deux mains aux reins, Didace alla regarder au dehors. Autour de la maison, l’aube, calme et pure, étendait sa paix à l’infini. La journée serait belle. Didace revint lever le globe de la lampe. Entre son pouce et son index à la peau racornie, il moucha la mèche. Une clarté blanchâtre jaillit dans la pièce, fit danser des ombres et offusqua le sommeil de Z’Yeux-ronds.

L’enfant s’agita dans le ber. Didace ne l’avait pas bien regardée encore ; il avait attendu d’être