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MARIE-DIDACE

Non, elle ne mourrait pas. Si elle mourait, qui prendrait soin de sa petite ? Non, sa petite ne serait pas comme elle l’avait été, une orpheline, élevée par charité. Déjà elle la voyait grandir. Elle cherchait ce qu’elle pourrait bien lui donner. Une poupée ? Une belle ! Pour remplacer celle que Phonsine n’avait jamais eue. Puis elle la mettrait grand’pensionnaire au couvent de Sorel, pour cicatriser la blessure d’orgueil qu’elle gardait au cœur, d’avoir, enfant, servi d’autres enfants. Le dimanche, elle se ferait belle pour aller la demander au parloir. Sa fille aurait un uniforme large, à plis, les plis les uns sur les autres, — le nombre de plis ayant figuré dans son esprit d’enfant le symbole de la richesse. Plus tard, elle porterait de la soie. Elle ferait des ouvrages fins. Ça serait son mari, non pas un survenant, qui lui apporterait des bottes de foin d’odeur. Quand elle aurait un enfant, sa mère, elle, Phonsine, l’assisterait au lieu d’une étrangère qui l’empêcherait de crier.

Au dehors, la merlette appelait. Phonsine la plaignit.

— Pauvre merlèze, pauvre petite mère, toi aussi t’es toute seule ? As-tu perdu ton compagnon ?

Puis Phonsine se sentit entraînée. La fièvre la dissolvait. Elle n’était plus qu’une feuille morte sur l’eau. Il faisait bon de n’avoir pas de poids à porter,