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MARIE-DIDACE

— C’est difficile à dire. Cela dépend évidemment de bien des choses. De la vie que vous avez menée, de votre jeunesse. Je ne vous ai pas toujours suivi…

— Ah ! ben, torriâble ! éclata Didace, toute la terre va y passer ! Il restera rien pour les héritiers !

* * *

À deux heures, Phonsine n’avait pas paru. Sans avoir pris de décision au sujet de la donation ou du testament, Didace se prépara à retourner seul au Chenal du Moine.

Gaillarde, partit à fond de train sur la route de Sainte-Anne, mais les mauvais chemins la forcèrent vite à ralentir son allure. Après la ville et les amas de vieille neige à la crête noircie de suie, en bordure des trottoirs, Didace respira devant l’immensité, propre et blanche, de la plaine du Chenal. Tout reposait alentour. Ce n’était plus la lourde somnolence hivernale, mais le léger assoupissement qui précède un réveil. Non plus le vent bourru qui rafale autour des maisons et qui vous pénètre jusqu’à la moelle, mais la brise qui passe et qui repasse comme une main caressante. Le cœur serré en pensant à Amable, Didace fumait, la cheminée de sa pipe tournée en bas, par la bruine qui se formait. Malgré son inquiétude, il huma à plaisir l’air prin-