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MARIE-DIDACE

bien. Avant longtemps, il serait Pierre-Côme le riche, avec une maison de briques… puis une clôture de fer… un château, quoi !

La voix du notaire fit tressauter Didace :

— Ah ! monsieur Beauchemin ! Je suis à vous à l’instant même, dit-il en traversant la pièce.

Didace savait à quoi s’en tenir sur la vitesse du notaire. De son côté, une brève visite chez l’homme de loi ne l’eût point satisfait, estimant pour son compte qu’un contrat doit être mûri, ses conséquences pesées, avant que d’y faire sa croix au-dessus du paraphe notarial. Et comment réfléchir plus à son aise qu’en fumant dans une antichambre, devant un diplôme dont les dimensions déjà imposantes se trouvaient encore accrues par un large encadrement de noyer ?

D’ailleurs, Didace était maître de son temps. Il se remit à fumer. Par la porte entr’ouverte il pouvait voir dans le bureau. Pierre-Côme n’y était pas. Assis à contre-jour une petite vieille, toute ratatinée, disparaissait presque au fond d’un vaste fauteuil de bois, à côté de trois gaillards. Didace la reconnut. C’était, avec ses fils, une femme de journée qu’on surnommait la Petite Pipe parce qu’elle fumait la pipe de plâtre parfois. Elle avait dû être fort jolie. Ses traits gardaient une certaine finesse, mais ses yeux pâles, décolorés, n’avaient plus de vie.