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MARIE-DIDACE

temps n’avait plus de mesure : parfois les aiguilles de l’horloge n’avançaient pas, d’autres fois, elles faisaient le tour, sans que Phonsine s’en rendît compte. C’était lorsqu’elle était perdue en méditation à la fenêtre. Dans la maison on disait toujours : la fenêtre, pour désigner celle qui faisait face au nord, comme s’il n’y en eût qu’une. Toute la vie des Beauchemin y avait défilé. Des femmes y avaient accueilli un compérage, une noce ; d’autres, d’un dernier regard, y avaient accompagné un cortège de mort. De là, Phonsine avait vu Amable à genoux avant de s’éloigner. Le soleil et le vent avaient mangé la neige où il était tombé : deux flaques d’eau luisaient, mirant deux morceaux de ciel printanier.

Un midi que, de la fenêtre, Phonsine surveillait la route, elle vit une voiture s’arrêter devant la maison, et deux étrangers, accompagnés d’un charretier, en descendre. Défaillante, à la pensée qu’ils apportaient peut-être de mauvaises nouvelles d’Amable, elle courut se réfugier dans sa chambre. Par l’entrebâillement de la porte, elle les entendit se nommer, un juge et un avocat, de Montréal, ce qui la rendit inquiète davantage. Que venaient faire, chez le père Didace, deux hommes de loi ? Le charretier qui les conduisait examina l’Acayenne occupée