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MARIE-DIDACE

Beauchemin a le malheur de tracer un sillon croche, il ne va pas demander au voisin de le redresser. Le sillon reste croche, mais il reste Beauchemin.

C’était donc Phonsine, cet humble repoussis, qu’il avait souvent traitée de haut parce qu’elle venait de la Pinière, et bousculée parce qu’elle ne tenait pas la maison à son gré, la bru qui donnerait aux Beauchemin le septième Didace, l’enfant tant espéré. Plus que son propre fils même. Son premier fils, certes il l’avait reçu dans l’allégresse, mais aucun doute n’en avait précédé l’arrivée ; en douter eût été douter de son sang, de sa force, de la lumière du jour. Tandis que ce petit-là, l’enfant d’Amable, l’avait-il assez attendu, trois, quatre ans au delà ?

Un air de cantique montait en lui. La tête tantôt à droite, tantôt à gauche, comme la cime d’un liard par une brise d’été, Didace se mit à chantonner :

Venez, divin Messie…

— Es-tu écarté ? lui demanda l’Acayenne. On n’est p’us à Noël. On marche sur Pâques ben vite.

Solennel, la tête haute, il croisa les bras :

— Dorénavant, faudra prendre ben soin de la bru, rien lui laisser porter de pesant, ni faire des ouvrages fortes. Tu m’entends ?

Sans répondre, l’Acayenne pensa :

« C’est pas tant pour la bru que pour le petiot,