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MARIE-DIDACE

— Toi, reste à ta place. C’est pas à toi à céder le pas.

— C’est ça, reprit Amable, hors de lui, mettez-moi à la porte. Maudissez-moi dehors, pendant que vous y êtes. Mais vous perdez votre temps. Je pars, mais je pars de moi-même. J’vas chercher ma vie ailleurs.

— Où ça ?

— Dans le monde… dans le vaste monde…

Le mot rendit un son rapetissé, il n’avait plus de sens. Le vaste monde n’était plus qu’un jouet d’enfant dans la main d’Amable.

— Tu partirais, toi ? lui demanda Didace soudainement ému. Mais aussitôt, une lueur de moquerie s’alluma dans son regard.

— Tu partirais ? T’es seulement pas capable de tenir un outil dans tes mains. Et quand tu le laisses tomber, c’est toujours le manche qui fait défaut, jamais ta main. Tu t’apercevrais vite que t’as les dents molles pour manger de la misère. T’as pas de métier…

— Non ? Quoi c’est que vous faites du débardage ? Un métier facile qui exige pas d’apprentissage, où c’est qu’on gagne des grosses gages quasiment à rien faire. Le Survenant le disait ben…

Le Survenant, lui, aurait pris soin de la terre. Un regret vint au cœur du père Didace :