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MARIE-DIDACE

roisse ? T’hurlais à la mort. Tu menais un sabbat du yâble !

Le lendemain, ils s’éveillèrent plus tard que d’ordinaire. Une faible lumière bleue passait avec peine par les fenêtres qu’obscurcissaient des bancs de neige. La cuisine offrait l’aspect d’un caveau. Avant même de manger, les hommes se hâtèrent de déblayer une ouverture afin de laisser pénétrer la clarté, puis de pelleter une allée jusqu’aux bâtiments. Phonsine, debout près de la porte, prit plaisir à regarder travailler Amable et le père Didace : armés de pelles de bois, ils ouvraient une tranchée en découpant de grands carrés ouateux qu’ils lançaient par-dessus leur épaule. Soudain, une folie s’empara d’elle. Nu-tête, à moitié vêtue, elle courut au dehors. Les bras écartés, de tout son long elle se jeta dans le premier banc de neige, y laissant l’empreinte de son corps en forme de croix, un geste qu’elle rêvait d’accomplir depuis son enfance. En se relevant, elle entendit, à travers la tempête, le rire éraillé du père Didace. Toute réjouie, elle retourna dans la maison :

— Le père Didace qui rit, dit-elle.

— T’es ben assez folle, lui répondit l’Acayenne qui avait été témoin de la scène. Quand t’auras attrapé quelque inflammation de poumons, tu seras guère avancée. Et cherche qui c’est qui te soignera ?