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MARIE-DIDACE

Et lui qui, la rencontrant chaque jour, n’avait jamais osé prononcer devant elle le nom du Survenant, demanda, tout ému, au milieu de la fête !

— Le Survenant t’a jamais redonné signe de vie ? T’as jamais eu de ses nouvelles ?

— Comment voulez-vous ?

— Non, mais je pensais, des fois, qu’il aurait pu t’écrire… t’envoyer une postcarte pour te dire ce qu’il devient, ce qu’il fait par là…

— M’écrire !

Angélina, les yeux bas, demeura immobile sur sa chaise. Rien ne trahit, dans son maintien, l’émotion qui la transportait. Sans comprendre quel feu d’espoir il venait d’allumer au cœur de l’infirme, sans voir la lueur d’amour flamber dans son regard, le père Didace crut qu’elle préférait ne point reparler du Survenant. Doucement il s’éloigna.

Assis sur les marches de l’escalier à côté, Amable et Vincent Provençal fumaient en silence. Ils avaient tout entendu.

— C’est ben curieux, dit tout bas Vincent, comme ton père a toujours l’air de craire que le Survenant peut accomplir mer et monde.

— Ouais, répondit brièvement Amable. Comme si un gâs, en changeant de place, pouvait se changer en même temps. Le Survenant aura beau trotter