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MARIE-DIDACE

pour me permettre de le dorloter. Tout ce que j’avais pu faire pour lui, c’était de l’attendre, la main sur la clenche de la porte, et de tâcher de le ramener à lui par la douceur. De son vivant je l’ai ben attendu. Et j’ai même pas eu la consolation de le recevoir une fois mort. Son corps, ils me l’ont jamais ramené. »

Phonsine jeta un regard autour d’elle : les visages attentifs et émus étaient levés vers l’Acayenne. « Elle est en train de les embobiner correct », pensa-t-elle.

« Après ? Après, fallait ben vivre. J’ai élevé son petit gâs de mon mieux. C’est l’enfant d’une autre femme qu’il avait eue avant moi. Mais je lui ai servi de mère comme il faut. Il a pas trop à se plaindre de moi. Du moins je pense pas. Si mon Varieur eut vécu, des enfants je lui en aurais donné tant qu’il aurait voulu. À la trâlée ! Mais j’ai pas eu c’te joie-là ! »

Du revers de la main elle repoussa les frisons sur son front.

« Puis j’ai navigué pour gagner ma vie et celle du petit. Des fois j’étais la seule femme à bord, avec des vingt, trente hommes. J’étais pas grosse comme à c’t’heure, il s’en faut. Et j’étais jeune. Et pas laide. Il y en avait de toutes les sortes parmi,