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LE SURVENANT

messe : il ne détestait rien autant que d’être bousculé, disait-il. Mais il aimait surtout parler avec tout un chacun à la porte de l’église. Puis, quand il s’enfonçait dans son banc, un quart d’heure avant l’Introït, il avait le temps de prendre connaissance de l’assistance, de se racler la gorge à fond, de chercher son chapelet et aussi de penser en paix à ses affaires temporelles. À l’entrée du prêtre il les abandonnait pour se mettre en la présence de Dieu. Mais il les reprenait au milieu du sermon. L’attention lui était difficile. Malgré sa bonne volonté, il ne parvenait pas à comprendre les vérités haut placées que prêchait l’abbé Lebrun. Pour lui les commandements de Dieu et de l’Église se résumaient en quatre : faire le bien, éviter le mal, respecter le vieil âge et être sévère envers soi comme envers les autres.

Le père Didace en tête, ils entrèrent dans l’église et, à la file, d’un pas empesé, se rendirent jusqu’en avant. Le Survenant qui portait les même nippes, le dimanche comme la semaine, monta au jubé. Pierre-Côme Provençal se carrait au banc d’œuvre que seul un capitonnage distinguait des autres. Fort, sanguin, engoncé dans sa graisse et dans la satisfaction de sa personne, il occupait la moitié du banc. Avant même de s’agenouiller, Didace le vit et se dit :