Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.
82
LE SURVENANT

méandres et les moindres caprices de la rivière. En face de la demeure des Beauchemin, bien qu’il fût encore le chemin du roi, l’herbe, à l’été, cherchait déjà à pousser entre ses roulières. Quelques arpents plus loin, il n’était pas même une impasse : rien qu’un sentier herbu allant mourir à la première crique.

À l’approche du gros pin qui servait d’amet aux navigateurs, le Survenant remarqua :

— Il y a du bosselage en abondance sur les routes.

Vexé de l’entendre parler en termes, Didace clignota des yeux :

— Je sais pas de quoi c’est que tu veux dire, Survenant. Mais si tu veux parler des bourdillons dans le chemin, j’vas dire comme toi, il y en a en maudit !

Du coup les autres se déridèrent. Cela suffit à les faire revenir à de meilleurs sentiments.

Venant, poursuivant son idée, reprit :

— Il nous faudrait de la neige.

— Sans doute. Quand il y a pas de neige, le frette massacre tous les pâturages.

Il parlait d’une voix ferme, mais l’inquiétude était en lui : la neige, à force de tomber depuis le commencement des siècles, devrait fatalement venir à manquer.

Ce n’était pas uniquement par piété que Didace voulait arriver avant le commencement de la grand-