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LE SURVENANT

Aussitôt les garçons entreprirent de la faire rougir :

— Quiens ! Est-il possible ? V’la la belle Angélina qui est moins farouche à présent !

— C’est pourtant Dieu vrai qu’elle est belle comme un cœur, à soir.

— Elle vous a les joues comme deux vraies pommes fameuses !

— T’es-tu lavée au savon d’odeur ? Tu sens le géraniaume à plein nez et t’as le visage reluisant, pire qu’un soleil.

D’un signe, Didace leur rabattit le caquet.

Les soirs suivants, elle se morfondit à inventer des raisons à peine plausibles. À la fin, sans même ouvrir la bouche, elle encadra dans la porte sa maigre figure atournée d’une chape brunâtre. De son marcher déhanché, elle se rendait jusqu’à la chaise la plus rapprochée et, pour ne rien perdre des paroles du Survenant, elle répondait du bout des lèvres aux discours des femmes.

* * *

Levée avec le jour, Angélina travaillait durement. Orpheline de mère depuis près de quinze ans, dès le début elle avait fait preuve vis-à-vis la maison à sa seule charge de ce tour de main que des personnes dans la force de l’âge ne parviennent pas à