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LE SURVENANT

Perdue dans sa rêverie, Phonsine n’avait pas entendu des pas sur les marches du perron. Venant apportait le bois dans le bûcher. Depuis son arrivée, du bois fin et des éclats pour les feux vifs, du bois de marée pour les feux de durée, il y en avait toujours. Il veillait à emplir franchement la boîte à bois, sans les détours d’Amable qui réussissait, en y jetant une couple de brassées pêle-mêle, à la faire paraître comble.

Alphonsine n’eut pas le temps de soustraire à sa vue la pointe de velours rouge. Il ne dit pas un mot mais quelques jours plus tard, comme elle allait le gronder d’entrer, les pieds gros de terre, dans la cuisine, il lui tendit une brassée de foin d’odeur, en disant :

— Tenez, la petite mère. Ça fera de la superbe de bonne bourrure pour vos petits ouvrages.

Peu habituée à la prévenance, Alphonsine s’en étonna d’autant plus. Inconsciemment elle s’en trouva flattée. Parlait-il donc au diable, l’étranger, pour deviner ainsi ce qui se passait jusque dans l’esprit des gens ? Elle l’aurait cru aisément si, un jour, elle n’avait vu tomber du mackinaw du Survenant une petite croix noire à laquelle un christ d’étain, usé aux entournures, ne pendait plus que par une main.