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LE SURVENANT

Anciennement Marie-Amanda et la mère Mathilde, comme la plupart des femmes du Chenal du Moine et du rang de Sainte-Anne, n’auraient jamais songé à s’encabaner avant la Toussaint. La bru Alphonsine n’avait pas raison d’agir autrement. Si le fait de s’écouter, d’être peu dure à son corps, et gesteuse, donne à une femme le droit de déranger l’ordre des choses, autant prendre le deuil de tout. Amable n’était pas homme à le reprocher à sa femme : il se mirait en elle. Pour sa part, Angélina ne moisirait pas auprès d’une telle extravagante : le temps d’emprunter une canette de fil et elle continuerait son chemin.

Angélina ne s’était pas trompée : rien ne bougeait à l’intérieur du fournil. Un peu de fumée tantôt dérobée à la vue s’effilochait autour de la cheminée de la grand’maison. Elle vira de bord, ses jupes bien en main pour se garantir contre une nouvelle bourrasque. Le vent, un vent d’octobre, félin et sournois, qui tantôt faisait le mort, comme muet, l’œil clos, griffes rentrées, allongé mollement au ras des joncs secs, et insoucieux de rider même d’un pli la surface de l’eau, maintenant grimpé au faîte des branches, secouait les arbres à les déraciner. En deux bonds il fonça sur la route, souleva la poussière à pleine rafale, entraîna les feuilles sèches dans une danse folle et poussa même, hors de son