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LE SURVENANT

Quand elle eut racheté le nom du Survenant, elle s’enferma seule avec sa peine dans la maison. En proie à une insondable détresse, la nuit, le jour, elle ne faisait rien d’autre, de son regard avide, que de fouiller la route. Elle pleurait avec tant de cœur que les yeux lui en brûlaient autant que si elle eût dormi dans l’ortie. Et ses mains sans cesse agitées pétrissaient je ne sais quel pain invisible, comme si c’eût été là sa douleur qu’elles tournaient et retournaient en tous sens. Après avoir frappé en vain plusieurs fois à la porte, les voisins finirent par s’inquiéter de ne pas voir un filet de fumée s’élever de la cheminée, même à l’heure des repas, et aucun morceau de linge à sécher sur la corde.

Beau-Blanc prétendit avoir aperçu en pleine nuit la lueur d’un fanal briller au coin de la maison. Mais personne n’ajouta foi à la parole d’un tel menteur, noir, chétif, peureux comme un lièvre et maraudeur en plus.

Au matin du quatrième jour, Alphonsine n’y tint plus :

— Pour ben faire, dit-elle à Didace, il faudrait le faire dire à Marie-Amanda, sa meilleure amie. Faut y voir. Après tout, on est les premiers voisins de David Desmarais.

Sur le soir Marie-Amanda arriva au Chenal.