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LE SURVENANT

Alors elle se poudra, se farda même et enfila sa bonne robe. Puis elle se mit à parcourir la montée et à s’enquérir auprès de chacun des dettes de Venant.

Et sa peine ? Même sa peine pouvait attendre. Nul ne la lui prendrait. Elle la laissa tomber au plus creux de son cœur, comme une charge pourtant précieuse que l’on abandonne au pied d’un arbre, sur une route pénible, assuré de la retrouver au retour. Mais lui, le Survenant, que son nom reste intact ! Il ne serait pas dit que, pour l’amour de quelques coppes, elle laisserait les autres ternir, de leurs sales jacasseries, l’image de l’homme qu’elle aimait.

À petits pas, en sautillant comme un moineau, elle arrivait aux maisons. Bernadette Salvail ne pardonnait pas à Angélina, un laideron, d’avoir obtenu du Survenant l’amitié qu’il lui avait refusée à elle, belle comme une image. En voyant celle-ci tourner en rond près d’un perron, elle pensa avec amertume :

— La petite chatte ferait pas pire !

Les yeux égarés, pour un rien, Angélina riait. Une vraie folle ! Et elle parlait, parlait, de choses qui avaient ni son, ni ton. Puis soudain, au milieu d’une phrase, elle s’arrêtait net : « À propos, disait-elle, le Survenant vous avait-il emprunté de