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LE SURVENANT

ses quatre garçons, sa femme et ses filles, la famille Salvail, Alphonsine et Amable, puis les autres, même Angélina. Ceux du Chenal ne comprennent donc point qu’il porte à la maison un véritable respect, un respect qui va jusqu’à la crainte ? Qu’il s’est affranchi de la maison parce qu’il est incapable de supporter aucun joug, aucune contrainte ? De jour en jour, pour chacun d’eux, il devient davantage le Venant à Beauchemin : au cirque Amable n’a pas même protesté quand on l’a appelé ainsi. Le père Didace ne jure que par lui. L’amitié bougonneuse d’Alphonsine ne le lâche point d’un pas. Z’Yeux-ronds le suit mieux que le maître. Pour tout le monde il fait partie de la maison. Mais un jour, la route le reprendra…

Pendant un bout de temps personne ne parla. On avait trop présente à l’esprit la vigueur des poings du Survenant pour oser l’affronter en un moment semblable. Mais lui lisait leurs pensées comme dans un livre ouvert. Il croyait les entendre se dire :

— Chante, beau merle, chante toujours tes chansons.

— Tu seras content seulement quand t’auras bu ton chien-de-soul et qu’ils te ramasseront dans le fosset.

— Assommé par quelque trimpe et le visage plein de vase.