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LE SURVENANT

qu’à ses frères ? Éparpillant les billets de banque, il cria, comme un enragé :

— La traite ! la traite pour tout le monde dans l’hôtel !

— Une traite générale, ordonna l’hôtelier toujours avec dignité, mais amadoué à la vue de l’argent.

Quoiqu’il participât à chaque traite générale, l’hôtelier ne s’enivrait jamais. Il s’était ainsi créé une réputation de beau buveur parmi les clients de l’hôtel, lesquels le respectaient d’autant et ne lui engendraient jamais la moindre chicane. Lui-même encourageait la légende de son imperméabilité contre tout effet de l’alcool :

— Plus je bois, moins je suis chaud ! disait-il, tandis qu’il se servait de fortes rasades à même une fiole marquée gin spécial mais qu’il avait la précaution de toujours tenir à part, pour la bonne raison qu’elle ne contenait que de l’eau.

Le Survenant donna une grande claque dans le dos de Joinville :

— T’es sport, Provençal. T’es vraiment sport !

— C’est ça, dit Amable, flatte-le, à c’t’heure que tu lui as fait dépenser l’argent du marché.

— Laisse faire, mon Provençal. Pour te dédommager, je vas t’apprendre à regagner le double. Tes poules, là, si tu veux qu’elles pondent, l’hiver prochain…