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LE SURVENANT

la tête et revint aussitôt à ses sens. L’argent en poche, il sortit de la tente, la tête haute et le verbe insolent :

— J’aurais pu tenir encore une bonne demi-heure, mais je trouvais le motton assez gros pour qu’on puisse tous prendre un bon coup. Arrivez, les gars, à l’hôtel des chars !

— Ah ! cré Survenant ! Y est-il coq, nom d’un nom ! Un vrai boulé, quoi !

* * *

L’argent dépensé, le Survenant dont la soif, loin de s’étancher, s’était avivée à la consommation de quelques coups, tira des plans pour boire davantage :

— Les amis, dit-il fort sérieux, vous avez bu la traite du plus pauvre bougre du Chenal, il va falloir boire maintenant la traite du plus riche.

Les yeux se braquèrent sur Joinville qui rougit tel un enfant pris en faute. Il n’avait plus un sou vaillant en poche. On le vit, la honte au front, supplier l’hôtelier de lui accorder du crédit. Seul le Survenant, en apparence préoccupé uniquement de regarder dans la rue, ne sembla pas s’en apercevoir.

Trônant au comptoir de bar parmi les bouteilles dont le réfléchissement de la glace doublait le nom-