Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/205

Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
LE SURVENANT

Peu impressionné le Survenant, dont la taille semblait grandie par le port du brayet, se contenta de vérifier les câbles :

— Compris !

L’athlète forain avait reconquis son impassibilité. Le cou enfoncé, les yeux sans vie, le torse en baril et moulé de la ceinture aux pieds dans un tricot noir, il semblait un buste de plâtre monté sur socle. À ses côtés, le Survenant dont la poitrine et les longues jambes d’une blancheur presque féminine éclataient à travers la toison rousse au-dessus du brayet de velours pourpre, était l’image même de la vie.

— Y avez-vous vu la longueur des gigots ? demanda Beau-Blanc, lui-même bas sur pattes.

Le petit homme qui posait à l’arbitre se frappa les mains : ainsi l’on sut que la rencontre commençait. Après l’accolade classique, les lutteurs échangèrent quelques coups, plus d’exploration que de prise réelle. Les parades alternaient, semblables aux figures rythmées d’un jeu chorégraphique.

Hypnotisés, les spectateurs suivaient la séance — Amable, le premier, partagé entre son antipathie pour le Survenant et une inconsciente solidarité : par le fait que Venant appartenait en quelque sorte à la maison, n’en rejaillirait-il pas, selon l’issue du combat, de l’honneur ou du déshonneur sur les