— Ah ! cré bateau ! c’est quelqu’un ! c’est un homme ! admit un spectateur, en grande admiration.
Mais un autre protesta :
— Pousse pas. Oublie pas que les gars de Sorel ont le bras mortel. T’es dans le pays des taupins.
— Quiens ! Boucher Levert, le seul homme qui a battu Jos Montferrand, était de Sorel ! dit un ancien.
— Beau dommage !
Le lutteur, glabre, jusque là silencieux, le front bas, les sourcils froncés, croisait les bras dans une attitude qui tenait ensemble d’une pose napoléonienne et de la bravoure du jeune taureau prêt à foncer sur le premier obstacle, et qui pouvait aussi signifier : « Qu’il y en ait donc un parmi vous autres pour oser le démentir ! » Mais piqué dans le maigre de son orgueil par les dernières remarques, il se départit de son flegme :
— Il y en a une vingtaine dans le monde à prétendre qu’ils ont battu Montferrand. Mais c’est pas prouvé !
— En tout cas, reprit le vieux, Boucher Levert, c’était un bon homme ! Je l’ai vu se battre contre un Irlandais qui menait l’yâble dans l’élection du petit Baptiste, sur la terre de Moïse Rajotte, un dimanche après-midi. Il en avait fait rien qu’une bouchée.