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LE SURVENANT

sur le plancher. Elle se hâta de tout ramasser mais le sang coulait de son doigt entaillé. Comme elle allait lancer aux poules le quignon rougi, elle dit en riant d’un petit rire nerveux :

— Le pain danse, mon beau-père. C’est signe que les bonnes années s’en viennent.

Mais le vieux lui prit le poignet :

— Le pain, ma fille, se jette pas. Pas même aux poules. On le brûle.

Furieux, Didace se retint de crainte d’en dire trop : les femmes de la famille Beauchemin, depuis l’ancêtre Julie, puis ses tantes, puis sa mère, puis ses sœurs, sa femme ensuite jusqu’à sa fille Marie-Amanda mariée à Ludger Aubuchon, à l’Île de Grâce, de vraies belles pièces de femmes, fortes, les épaules carrées, toujours promptes à porter le fardeau d’une franche épaulée, ne s’essoufflent jamais au défaut de la travée. Elles ont toujours tenu à honneur de donner un coup de main aux hommes quand l’ouvrage commande dans les champs. Et un enfant à faire baptiser presquement à tous les ans. À présent la bru, Alphonsine, une petite Ladouceur, de la Pinière, une orpheline élevée pour ainsi dire à la broche, se mêle de grimacer sur les corvées, avec des manières de seigneuresse ? Didace s’indignait : « Une femme qui pèse pas le poids. Et sans