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LE SURVENANT

ordinaires, à la portée du plus humble sujet !

Quand on sait comment les rois, habillés de pourpre, d’hermine et chamarrés d’or, des pieds à la tête, passent leur vie, assis sur un trône, le sceptre à la main et, sur la tête, une couronne garnie de toutes les pierreries imaginables… Quand on pense qu’il n’est permis de les approcher qu’après de grandes génuflexions, comme à l’église…

C’est à croire…

Elle chercha le regard de Lisabel, mais Lisabel Provençal, les yeux ronds comme deux globes frottés clair, regardait dans le vide. Elle se balançait, sans penser à rien. Il faisait beau soleil. Son prétendant, du Pot-au-Beurre, irait la voir, le soir même. Comme tous les soirs de bonne veillée, plutôt que d’y manquer, il serait en avance. De l’attente d’un être aimé que l’on tremble à tout instant de perdre et qu’il faut reconquérir à chaque nouvelle rencontre, elle ne connaîtrait jamais ni les ravissements, ni les angoisses : la ponctualité de son prétendant lui garantissait une sécurité étoffée. Au bout de six mois francs de fréquentation, il lui demanderait de bon cœur de l’épouser. De bon cœur elle l’accepterait. Et leur vie d’époux s’accomplirait sans plus d’émois.

Bernadette grimaça sans gêne. Angélina, voulant l’éloigner à tout prix, inventa un prétexte :