Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— 15 —


Du véritable printemps bref et chaud, l’on passa presque sans transition à l’été. Maintenant, quand Phonsine, à son réveil, traversait de la grand-maison au fournil, elle trouvait le chat couché dans un large carreau de lumière qu’un soleil franc découpait sur le plancher. Depuis plusieurs semaines déjà les portes des granges avant le jour s’ouvraient avec fracas et, au moindre mouvement des hommes ou des bêtes, les faux, les râteaux, tous les outils cliquetaient contre les murs.

Un midi la cigale chanta. Venant, allongé sur l’herbe, l’entendit le premier. Il dit :

— Écoutez-moi donc la cigale chanter !

Mais Amable dormait comme un bienheureux.

Phonsine, un plat lourd au bout de ses bras, allait jeter l’eau grasse sur les plants de tomates. Elle pausa en chemin. Accablée, les cheveux collés au front, elle resta sans bouger, pareille à une statue de bois, à penser :

— C’est signe de chaleur. On cuit déjà comme dans un four. Quoi c’est qu’on va ben devenir ?