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LE SURVENANT

d’Odilon :

— Au prochain soir de bonne veillée, faudra que tu retournes voir la grande Angèle à Desmarais. Elle finira ben par se laisser apprivoiser comme les autres.

* * *

D’un pas pesant Didace se dirigea vers la maison.

Un perron de cinq marches étroites et raides conduisait à la porte d’en avant ; mais personne, ni des voisins, ni même de la meilleure parenté, ne l’utilisait, sauf dans les grandes circonstances : pour un baptême, une noce, la mort ou la visite pastorale du curé de Sainte-Anne-de-Sorel. Et encore, quand l’abbé Lebrun s’arrêtait au Chenal du Moine parler de chasse ou de sujets ordinaires avec le père Didace, il se serait bien gardé d’y passer. Aucune allée ne s’y tendait. Même les hautes herbes, l’été, dérobaient la première marche du perron. Tandis qu’un petit chemin de pied, avenant et tout tracé, menait à la porte d’arrière.

Depuis la mort de Mathilde, sa femme, non seulement Didace recherchait les occasions de s’éloigner de la maison, mais il la fuyait, comme si le sol lui eût brûlé les pieds, comme si les choses familières, jadis hors de prix, à ses yeux, s’y fussent ternies et