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LE SURVENANT

Alors, en gage d’amitié et pour mieux s’attacher le Survenant, il voulut lui apprendre un secret : « le malheureux qui porte dans son cœur un ennui naturel, s’il croit trouver toujours plus loin, sur les routes, un remède à sa peine, c’est pour rien qu’il quitte sa maison, son pays, et qu’il erre de place en place. Partout, jusqu’à la tombe, il emportera avec soi son ennui. » Mais Didace ne savait pas le tour de parler. Il chercha ses mots. S’il se fût agi de rassembler un troupeau de bêtes effrayées, sur la commune, la saint-michel sonnée, là, par exemple, il eût été à son aise ! Mais, des mots contre lesquels on se bat dans le vide ? Au moment de parler une gêne subite le serra à la gorge. L’instruction du Survenant le dominait.

Mais Didace rêve. Le Survenant ne repartira pas. À la première nouvelle, il épousera Angélina Desmarais. À son tour il prendra racine au Chenal du Moine pour le reste de ses jours. Il sera le premier voisin des Beauchemin, et sans doute marguillier, un jour, maire de la paroisse, puis qui sait ?… préfet de comté… député… bien plus haut placé que Pierre-Côme Provençal.

Couac ! Dans un bruissement sec, un butor, de son vol horizontal, raye le paysage. L’eau clapote contre la barque. Didace se réveille. Brusquement il questionne :