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LE SURVENANT

premières années sont un peu dures mais après, les fraises se tirent d’affaire toutes seules.

Amable l’interrompit :

— Aïe ! Ambitionne pas sur le pain bénit. Qui c’est qui s’occupera des cageaux, des casseaux, du cueillage ?

Mais Didace admettait tout de la bouche du Survenant. Grâce à lui, avant longtemps, il serait un aussi gros habitant que Pierre-Côme Provençal.

Vers le milieu de mai, on s’apprêta à déménager au fournil. Pendant que les Beauchemin en peinturaient l’intérieur, Beau-Blanc arriva. À son air effarouché, à son clappement de langue, on sut qu’il s’apprêtait à débiter quelque nouvelle. Dès son habituel préambule : « J’veux pas rien dire de trop mais… », Didace l’arrêta :

— Parle ou ben tais-toi.

Le journalier se renfrogna dans un silence boudeur. Mais au bout de quelques minutes, la langue lui démangea tellement de parler qu’il dit :

— Puisque vous voulez le savoir à tout prix, j’ai vu un homme se carrioler dans votre ancien canot de chasse, celui que vous vous êtes fait voler, l’automne passé.

Didace bondit :

— Hein ! Quoi c’est que tu dis là ?

Heureux de produire son effet, Beau-Blanc répéta la nouvelle sans se faire prier.