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LE SURVENANT

Le lendemain, elles se déroulèrent déjà hautes, hors de terre. Puis à côté du premier dent-de-lion, la prèle des champs dressa son fragile cône vert.

Dans la bergerie, un bêlement pathétique racontait à tout vent l’inquiétude des brebis devant l’agitation des agneaux. Didace n’osait lâcher ceux-ci au pacage, sachant qu’une fois le goût de l’herbe pris, ils ne voudraient plus retourner à la mère.

Marie-Amanda avait eu son troisième enfant. À la première belle journée après ses relevailles, elle vint le montrer à Didace et le lui mit dans les bras. Plus empêtré à tenir un enfant qu’à haler un chaland, le vieux, des gouttelettes de sueur au front, le garda un instant collé contre lui. Mais le petit, qui avait bonne envie de vivre, gigota tellement dans ses langes que Didace le rendit aussitôt à Marie-Amanda :

— Ôte-moi-le des mains. J’ai trop peur de l’échapper.

— Ça vous avient ben pourtant, remarqua le Survenant.

Les jours qui suivirent le départ de Marie-Amanda, la maison parut à tous plus grande et silencieuse, surtout à Didace qui se montra exigeant envers Alphonsine. Pour un plat apporté deux fois de suite sur la table, il tempêta.

— Pourtant, vous avez coutume d’aimer ça du bouilli, mon beau-père ?