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LE SURVENANT

Quand ils arrivèrent au quai, un étranger les guettait. Didace l’accueillit d’un salut silencieux et laissa l’autre parler le premier. Celui-ci, avant même de décliner le but de sa visite, sortit une bouteille de whisky et en offrit aux deux hommes. Didace refusa net. Mais brusquement, de son parler bref, il ordonna à Venant :

— Prends mon coup, Survenant.

Après, il se mirent à causer de choses et autres, tous trois accrochés aux piquets du quai, comme s’ils y étaient embrochés. À peine l’étranger eut-il laissé entendre qu’il faisait le trafic des peaux de fourrure que Didace s’empressa de dire :

— Le rat d’eau sera ben rare ce printemps, j’ai peur. Je me demande où il loge : on le voit presquement plus. Une chasse de deux, trois rats par jour, c’est beau. Demandez au Survenant. Aïe, Survenant ! Comment c’est que t’as tué de rats dans ta journée d’hier ?

— Un rat.

— Vous voyez ?

À son tour le trafiquant, aussi futé, remarqua :

— Il est décourageant de voir comme le rat musqué se passe de mode. On comprend pas la raison. Les femmes veulent plus le porter. Il y en à prétendre qu’il est moins bon qu’avant.

Didace l’interrompit :