ment d’étoffe du pays, mais l’œil perçant, mais le regard droit, mais le front haut. Ils règnent puissants, stricts, indéfectibles sur leur œuvre de famille. Dans l’honnêteté, et le respect humain de leurs sueurs et de leur sang de pionniers, dans les savanes et à l’eau forte, de toute une vie de misère, ayant été de leur métier bûcherons, navigateurs, poissonniers, défricheurs, ils ont écrit la loi des Beauchemin. À ceux qui suivent, aux héritiers du nom, de l’observer avec fidélité.
Agenouillée auprès du poêle, Alphonsine commença sa prière du soir : « Mettons-nous en la présence de Dieu… » mais son esprit fuyait, occupé de trop de choses. Soudain un éclair lui montra le sentier à suivre : Mathilde Beauchemin, qui était si près de Dieu, pourrait bien intercéder auprès de Lui. Par un calcul mi-conscient, elle chercha à la toucher au sensible : « Bonne sainte Mathilde Beauchemin, vous permettrez pas qu’une autre femme prenne votre place… ni la nôtre ? »
Toujours à genoux, elle se disputa pour mieux se rassurer.
— Que j’suis folle de m’créer tant de chimères ! J’aurais jamais dû faire parler ce grand fou de Venant.
Puis elle écouta : pour toute réponse, un ronflement d’homme ivre, le sifflement du vent. Elle alla