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LE SURVENANT

même que le père Didace va se marier avec… l’Acayenne… la belle Acayenne. Dis pas non, Odilon, parce que je t’envoie revoler au plafond…

Après une pause, le Survenant se leva de tout son long.

— Où c’est que tu veux aller ? lui demanda Phonsine, inquiète.

— Je veux aller… voir danser le soleil. Le matin de Pâques… il danse le soleil… oui, il danse !

Phonsine réussit à le faire rasseoir. Il pleurait à chaudes larmes. Pour le consoler, machinalement elle dit comme lui :

— Il danse… le soleil… il danse…

L’homme se tut et elle l’abandonna au sommeil. Chercher à l’éveiller pour en savoir davantage ? Autant essayer d’ébranler un chêne. Les assiettes dansèrent sur la table : la tête du Survenant, comme une roche, venait de couler à pic sur le bord. Une minute plus tard il ronflait.

Il était près de sept heures. Alphonsine n’avait pas mangé depuis le matin mais elle ne sentait plus la faim. Elle souleva le couvercle du chaudron. Les patates, portées à fleurir, s’étaient délayées en une purée grisâtre, peu appétissante. L’eau égouttée dans l’évier, elle tira le chaudron à l’arrière du poêle.