pénétrées de chaleur. À ce temps mort, amollissant, il préférait les pluies de bourrasque, les rages de vent qui fouettent le sang des hommes et condamnent les oiseaux sauvages à se réfugier dans les baies.
Soudain il vit deux hommes, en voiture légère, s’engager dans la montée. Ayant reconnu Pierre-Côme Provençal avec Odilon, l’aîné de ses garçons, Didace, vivement, détela le cheval qui, de son plein gré, prit le chemin de l’écurie. Puis il alla s’appuyer contre la clôture et se mit à fumer.
Au milieu de la plaine, parmi les maisons espacées et pour la plupart retirées jusque dans le haut des terres, loin de la rivière et de la route avoisinante, afin de parer aux inondations, celle de Didace, bâtie sur une butte artificielle, près du chemin du roi, possédait le rare avantage d’être à la portée de la voix : les Beauchemin pouvaient, à toute heure du jour, recevoir du passant, sur la route ou sur le chenal, un mot, un salut, un signe d’amitié. Même s’ils avaient peu de choses à dire, ils échangeaient de brèves remarques sur l’eau haute ou l’eau basse, l’erre de vent, la santé, pour le seul plaisir de se délier la langue, pour montrer qu’ils étaient encore de ce monde, ou tout bonnement pour ne rien laisser perdre d’une si belle occasion. Si l’un d’eux, peu d’humeur à causer, n’entendait pas la plaisanterie, il se contentait de le signifier d’un rebondissement du