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LE SURVENANT

couché au fond de la cale, à pelleter le grain dont la poussière encrasse ses poumons. Ni des rats, les rats de navire qui se transportent d’un continent à l’autre, avec les ballots de vaisselle, des rats de la grosseur des matous. Il parla du débardage comme d’une personne aimée en qui on ne veut pas voir de défaut.

Aux paroles du Survenant, le cœur de Didace battit à se rompre. Lui, pourtant perspicace d’ordinaire, en perçut moins le sens que le ton nostalgique. Il se vit de nouveau seul avec Amable et Alphonsine. Il vit la maison terne et la terre abandonnée à elle-même.

Le couple se leva pour regagner la chambre à coucher. Le Survenant se prépara à l’imiter mais Didace lui fit signe de rester dans la cuisine. Sans un mot, celui-ci alla au cabanon et en revint avec un rouleau de billets de banque. Il en compta vingt-quatre et y joignit soixante cents. À voix basse il dit :

— T’as dit : vingt-quatre et cinquante-sept mais j’en ai mis soixante, pour faire le compte rond.

D’un clin d’œil il souligna sa générosité. Le Survenant prit l’argent sans plus de cérémonie. Didace lui demanda :

— Quand c’est que tu t’attends à revenir de Montréal ?