Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
LE SURVENANT

De semaine en semaine, le Survenant prenait le ton du commandement, à la connaissance du père Didace qui semblait approuver le nouvel état de choses. Souvent les deux hommes en grande amitié transportaient les effets à Sorel. Rarement en revenaient-ils de clarté. Amable et Alphonsine s’inquiétaient bien de ce qu’ils pouvaient bretter là si tard, mais ils n’en disaient trop rien : grâce au métier du Survenant auquel peu à peu il les associa, de même qu’Angélina, quant aux travaux exigeant la patience d’une femme, l’argent entrait plus que jamais, l’hiver, dans la maison. Ils en vinrent, ainsi que Didace, à considérer le commerce de meubles comme une partie permanente de la terre, et Alphonsine songea à acquérir un graphophone ou tout au moins à échanger le poêle contre un autre, plus moderne, plus léger, un « Happy Thought » par exemple, dont elle aurait grand plaisir à polir les ronds d’acier. Didace s’était toujours objecté à se séparer du vieux poêle : massif et énorme, et assez dur à réchauffer, une fois pris cependant, il répandait une douce chaleur par toute la maison. Puis l’été, quand on allait vivre au fournil, il servait à abriter les fourrures contre les mites. Mais maintenant Didace consentirait sûrement à vendre le gros poêle.

Le temps passait si vite qu’on ne le voyait pas.