Page:Grout - Passage de l'homme, 1943.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
PASSAGE DE L’HOMME

lais ? dis, à mon tour ? Est-ce que je n’aurais pas raison ? Réponds un peu ? » Le Fossoyeur fit oui, avec les yeux : il avait trop peur pour parler. « Qu’est-ce qu’il faut faire ? » dit l’Homme — et il avait la faucille en l’air, prête à frapper — « qu’est-ce qu’il faut faire ? » Il dit ces mots d’une voix terrible, et le Fossoyeur ferma les yeux. Mais l’Homme jeta au loin la faucille, parmi les ronces, et il retira son genou, et il dit au Fossoyeur : « Lève-toi ! J’ai honte pour toi que tu aies pensé à ça ! Est-ce qu’un chrétien comme toi, ça ne doit pas aimer un chrétien, et tous les hommes ? » Et l’Homme redescendit vers notre ferme, d’un pas bien calme et sans jamais se retourner. Le Fossoyeur s’en remonta vers le village, et, bien qu’elle ne fût pas à son honneur, il raconta l’histoire à tous : il ne pouvait pas autrement. Mais il n’y eut personne à le croire. Seule une jeune fille, une de celles qui allait mourir, emportée par la Maladie, la propre nièce, si je me rappelle, du Fossoyeur, lui dit en riant : « Tu dis des choses qu’on voudrait croire, des choses qu’on voudrait qui soient vraies… »

Les enfants ne nous venaient plus. Aucun, je crois, ne doutait de l’Homme, mais ils avaient peur : tout le village à présent, s’était assemblé contre nous. Nous apprîmes par le