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PASSAGE DE L’HOMME

que les enfants nous rapportèrent. Nous eûmes malheureusement très vite l’occasion de voir qu’ils disaient vrai. Plusieurs nuits, des grêles de pierres s’abattirent sur notre maison. Une fois même on heurta à la porte avec violence. Ils étaient bien là une dizaine qui criaient, et parmi eux cinq ou six femmes. Les mots qui revenaient le plus souvent, étaient ceux de Sorcier et de Maudit. « Qu’il vienne ici et qu’il nous parle ! Mais il a peur… Ah ! il a peur ! Il a peur, il a peur, il a peur, il a peur… » Des hommes sifflaient, d’un sifflement qui n’en finissait pas. Le chien aboyait, le poil furieux, derrière la porte. Claire eut grand’peine à empêcher l’homme d’ouvrir. Il eût voulu leur parler et les convaincre, Toute cette haine lui faisait mal. Mais nous étions sûres, nous, que, s’il ouvrait, il n’aurait pas même le temps de dire un mot : ce serait une nouvelle grêle de pierres, et peut-être les hommes avanceraient-ils sur lui avec leurs fourches, et alors… « Et pourtant, disait l’Homme, il n’y en a pas un à qui j’en veuille, pas un à qui, même sans le vouloir, j’aie fait du mal. Qu’est-ce qu’ils ont donc ? » La Mère lui répondit : « Ils ont que vous êtes quelqu’un de meilleur qu’eux. C’est une chose qu’on ne pardonne pas. » Les cris s’éteignirent peu à