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PASSAGE DE L’HOMME

ils restèrent un bon moment silencieux l’un devant l’autre, à ne savoir comment se prendre. Enfin l’Homme dit — c’est une parole que j’ai retenue, parce que d’abord je ne l’ai pas bien comprise — enfin l’homme dit : « Ce que je vois au fond de mon cœur, c’est aussi inscrit sur la terre. Je crois aux Iles, et les enfants y croient aussi. Et ils y croyaient avant que je ne leur en parle. Seulement ils oubliaient d’y penser. Ils commençaient, comprenez-vous, à ne penser qu’à ce qu’ils voient. Et ça… »

« Et ça, dit le Maître d’École, c’est la sagesse, et tout le reste n’est que folie. »

« Et ça, reprit très doucement l’Homme, c’est de la folie, et beaucoup d’hommes sont fous, parmi le monde, pour avoir cru qu’ils étaient plus que des enfants. »

Le Maître d’École ne se fâcha point : il était difficile de se fâcher avec l’Homme. Aussi bien l’hiver était-il près de sa fin, les cours du soir allaient cesser ; et tout serait resté paisible entre eux si tant de gamins n’étaient venus l’été à notre ferme pour écouter, au soir, les contes de l’Homme.

Il y en eut près d’une douzaine, bien réguliers, à s’asseoir devant notre porte ou à entrer dans la maison, selon le temps. Un soir même, il y en eut vingt, garçons et filles.