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PASSAGE DE L’HOMME

ce qu’on y dort ? — L’Homme, d’où viennent les petits enfants ? — L’Homme, dis, l’Homme, parle-nous des Iles ! — L’Homme, raconte-nous une histoire, une longue histoire ! »

L’Homme se pliait à toutes leurs fantaisies, et sans prudence — mais pourquoi donc eût-il été prudent ? Il ne disait que de claires vérités, et il pensait, et nous pensions, que les enfants doivent savoir tout. Seulement, ce que nous pensions, nous autres, on ne le pensait pas au village. À force de vivre entre nous, à force aussi d’écouter l’Homme — je compris tout cela plus tard — on s’était écartés des autres, et les autres ne comprennent pas ça. Peut-être les choses se seraient-elles arrangées s’il n’y avait pas eu le Maître d’École, et le Curé. Mais je ne vous ai pas encore parlé du Maître d’École.

Il était vieux, déjà, au temps de l’Homme, tout près, je crois, de sa retraite. Il était là depuis plus de trente ans, et tout le village aurait été à lui s’il n’y avait pas eu d’église. C’était un homme qui vous « démontrait » bien. Pas un, même le plus dur de tête, qui soit sorti de l’école sans savoir lire. Il vous gardait des fois jusqu’à six heures, au moment des certificats, et il vous reprenait le lendemain à sept heures au lieu de huit, et