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PASSAGE DE L’HOMME

il était saoul, tout à fait saoul, mais intelligent comme jamais. Sans lui, peut-être, l’Homme n’aurait pas parlé, ou alors nous n’aurions pas compris. Et ce n’est pas que Celui des Hauts ait dit grand’chose : il se contentait de faire : « Oui, oui » et d’incliner la tête, ou : « Ah ! » ou encore : « Ah ! comme c’est vrai, ah ! comme c’est vrai ! Pauvre pécheur ! » Et l’on avait envie de sourire parce que c’était toujours les mêmes mots, mais si on le regardait, alors on n’en avait plus envie : le visage de Celui des Hauts était triste et beau à la fois. On y lisait qu’il avait près de soixante ans, et qu’il avait dû se tromper, et que c’était irréparable, mais qu’il était content tout de même d’avoir vécu.

L’Homme disait qu’il y avait des Iles où habitaient des hommes meilleurs que nous, et que ces Iles, personne encore ne les connaissait. Et tant que les Iles ne seraient pas connues, il n’y aurait point de paix pour aucune nation. Les Iles savaient des choses que l’homme ne pressent pas, de purs secrets que Dieu n’a confiés qu’à leur peuple, parce qu’il est meilleur que nous. « Sans doute, le Christ, nous disait l’Homme, sans doute le Christ nous a été donné, mais nous étions égarés et durs d’oreille. À ceux qui demeurent dans les Iles, Dieu a laissé aussi un Évangile