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PASSAGE DE L’HOMME

Jusqu’à maintenant, c’est à peine si nous avions entendu sa voix. Mais cette fois il parlait d’une voix ferme et pleine, avec sa voix à lui soudain, venue de lui, et il disait : « Si Monsieur le Curé a quelque chose à me demander, il le fera ici, devant vous autres, et je lui répondrai de même. » Il y eut un curieux silence. Mon cœur battait. Claire se serra toute contre moi. Je sentis que l’Homme était maître, maître d’ici, et des gens à l’entour, et de toutes choses, et qu’il prenait sa force où personne d’autre ne l’avait jamais prise… C’est comme si tout d’un coup le monde avait craqué, le monde que nous savions, nous autres. Et c’était dur de respirer, mais c’était délicieux aussi.

Enfin le Père avança des chaises. On se mit en demi-cercle devant l’âtre. Monsieur le Curé était à droite, et l’Homme, à gauche, lui faisait face, et le chien était entre eux deux. Je me rappelle tout ça encore comme si c’était maintenant et il me semble que j’ai toujours dans l’oreille la voix de l’Homme.

Et c’est lui d’abord qui parla. Monsieur le Curé, au même moment, ouvrit la bouche, ou presque dans le même moment ; il sentait qu’il devait parler, que c’était à lui de parler, et il parut même comme froissé de ce que l’autre commençât, mais je suis sûre qu’au