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PASSAGE DE L’HOMME

ce fut son tour à elle. Et il la fendit d’un seul coup, sans marquer le moindre triomphe. Des choses comme ça sont des choses à peine racontables. Mais il n’y eut chez nous, à partir du soir où l’Homme devint notre homme, pendant deux ans, que des choses comme ça, pas racontables. De ces choses pourtant qui changent tout. Par ailleurs, dans d’autres maisons, il y avait des hommes qui inventaient. Il y en eut un, à ce qu’on raconte, à dix lieues de nous, qui fit monter de l’eau du Fleuve jusqu’à sa ferme par une sorte de moulin à vent. Notre Homme à nous n’inventait pas. Il ne s’expliquait pas là-dessus, mais on sentait que, pour lui, le monde était bien comme ça, le monde des choses. Et que si quelque chose devait changer, c’était peut-être dans l’homme lui-même. Mais, là-dessus non plus, il ne faisait aucune leçon. Il semblait penser que changer, c’était une affaire seulement pour lui.

Pour le reste, il était semblable à nous. Tout ce que nous lui donnions à manger, il le mangeait, et d’un appétit toujours égal. Tout ce que le Père ou la Mère lui commandait, il le faisait, et avec une joie toujours égale. Une chose à lui encore tout de même, et que je n’ai pas dite, avec sa patience, c’est sa propreté, ce qu’on appelle dans nos villages la