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PASSAGE DE L’HOMME

rémonie étrange. Hommes et femmes se tiennent accroupis au bord du gouffre, et ils chantent un chant grave et doux, pendant des heures. Une sorte de brume odorante monte des entrailles de la terre. Leur chant s’arrête, et d’autres chants répondent, venus de l’abîme. Puis la brume blanchâtre se dissipe, et un plein ciel d’étoiles apparaît dans les profondeurs. Parfois quelqu’un, un peu trop penché vers le ciel, se laisse tomber.

« Nul feu en ces régions, et pourtant il ne fait pas froid. La neige, ici, ne fond jamais. C’est avec cette neige qu’on fait les huttes.

« Dans quelques mois — cinq ou six mois — nous arriverons à ce pays dont le vieillard nous a parlé. Cinq ou six mois ? Mais nous ne savons plus comme le temps va. Je présume que cela fera cinq ou six mois, mesurés selon votre temps à vous. Ici, le temps se mesure curieusement, mais je ne saurais comment vous expliquer.

« Geneviève, ce qui m’attriste un peu, et qui m’inquiète, c’est que, plus nous avançons, plus il nous est difficile de nous rappeler ce village dont nous sommes partis. Il faudrait que vous écriviez. Mais, où écrire ? Vos visages s’effacent peu à peu. Ton visage même,