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PASSAGE DE L’HOMME

L’idiot me dit : « Geneviève, Geneviève, c’est du beau temps. Il fera beau aussi pour nous. » Et je ne sus pas, ni lui non plus sans doute, s’il parlait de ce grand ciel clair qui annonçait une belle journée, ou de ces fêtes, au long du Fleuve, qui étaient pour nous signe de joie.

Des jours durant, monta vers nous le bruit d’un peuple en grand délire. Tout, au village, semblait paisible comme avant. Les gens se reprenaient à vivre, la maladie n’était plus qu’un souvenir, et tous les morts dormaient tranquilles. Seul, le Chaoul, un soir, s’en vint trouver le Fossoyeur. « Et je tremblais devant lui, de tous mes membres. Mais il me dit : « Pourquoi trembles-tu ? Est-ce que j’ai jamais été un mauvais homme ? » Il semblait vivre en un pays plus calme. J’aurais aimé lui parler tranquillement, mais je criai de toutes mes forces, comme malgré moi : « L’Homme reviendra ! » Le Chaoul se boucha les oreilles : « Pourquoi crier ? Oui, nous savons que l’Homme va revenir, et la paix reviendra avec lui. Mais cette paix qu’il apportera… la sienne à lui, et puis la vôtre… » Il ne termina point sa phrase, et il reprit : « L’Homme reviendra, c’est le Chaoul qui le dit, mais un autre homme, pas celui que vous attendez… Peut-être