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PASSAGE DE L’HOMME

et dès que j’essayais de penser, dès que je pensais à répondre, ils reprenaient : « Dis, qu’attends-tu ? Dis, qu’attends-tu ? » Voilà cinq nuits qu’ils hurlent pareillement. » Ces nuits, à moi, m’avaient paru tranquilles. Je dis au Fossoyeur, sans trop savoir pourquoi : « Répondez-leur que l’Homme va revenir. Dites-leur très fort : l’Homme reviendra ! Préparez ça ce soir, en vous couchant, qu’ils n’aient pas même le temps de dire un mot ! »

Nous restâmes un grand mois tranquille, le mois de septembre. Les nuits étaient si claires que l’on ne dormait pas. Et je disais au Fossoyeur : « C’est peut-être la fin qui vient. » Et j’ajoutais, n’y voyant pas trop clair en ma pensée : « La fin… quelle fin ?… Va-t-on revenir à la vie d’autrefois, à la vie d’avant nos malheurs ?… ou bien, — oui, quelquefois, je m’interroge là-dessus — ou bien, est-ce que ce n’est pas la fin du monde ? »

On disait que, de l’autre côté du Fleuve, la guerre allait se terminer. On racontait qu’au pire de la Bataille, — la Grande Bataille où les pays avaient massé des milliers d’hommes — une croix soudain était montée de la terre au ciel, comme un arbre qui aurait poussé. Et, sur cette croix, un Christ avait fleuri, et de ses plaies, du sang s’était