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PASSAGE DE L’HOMME

lettres du tout. Après ce jour, des années passeront — combien ? — et nous reviendrons. Et avec ce que l’Homme saura, nous ferons du bonheur pour vous. À moins qu’il ne vous faille, à tous, venir aux Iles.

« L’Homme vous salue. Il pense qu’il écrira bientôt. »

Cette lettre, je la connais par cœur. Elle fut, dans notre temps de misère, une première vraie consolation. Et je la lus d’abord pour moi, et à voix basse. Mais un soir qu’assise à ma porte je la lisais tout haut pour mieux l’entendre, l’idiot, qui était assis auprès de moi — il était calme, en ces temps-là — l’idiot me dit : « Geneviève, lis-moi encore… Ça vous bénit comme du latin. » Je lui relus la lettre, et je la lus encore, à beaucoup d’autres, et chaque fois que je la lisais, nous nous sentions plus courageux, et plus patients : il nous semblait que l’Homme nous reviendrait bientôt. Et quelques-uns pensaient que, l’Homme revenu, la joie s’établirait ici, une joie plus grande que celle que nous avions connue, aux temps meilleurs, et que la mort elle-même serait vaincue.

Le Fossoyeur disait : « Ce qui arrive, c’est notre faute à nous. L’Homme était venu pour nous sauver de nous. Un homme tout seul, un homme sans guide, c’est un homme mort.