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PASSAGE DE L’HOMME

étranges, comme renversées. L’enveloppe était presque carrée, et d’un papier sec au toucher, et granuleux.

Claire me disait qu’ils étaient loin déjà. Ils avaient passé des fleuves et des fleuves, et quelques-uns d’entre eux beaucoup plus larges que le Fleuve lui-même, et ils avaient passé aussi une mer. Les cartes ne suffisaient plus, et même dès les premiers temps du voyage, on n’avait pu se fier à elles : elles étaient vieilles et incomplètes. Il fallait demander sa route aux gens des villes et des villages. Seulement, beaucoup d’entre eux n’avaient jamais entendu parler des Iles. Quant à ceux qui en avaient quelque connaissance, encore fallait-il les comprendre, et à mesure qu’on s’éloignait, les langues devenaient difficiles. « Figure-toi qu’ici, par exemple, dans le pays où nous sommes présentement — qui est une île — une seule syllabe, selon que tu la chantes, peut dire trente-trois choses différentes.

« Et ils ont une curieuse façon d’adorer Dieu. Leurs temples sont au bord de la mer, des temples ronds, à ciel ouvert, car ici il ne pleut jamais. Ils s’y réunissent tous les soirs et s’accroupissent sous les galeries pour manger des herbes magiques. J’en ai mangé, et l’Homme aussi, et j’ai fait des rêves si étranges,